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Lisbeth’s 

Texte Fabrice Melquiot – conception et adaptation Valentin Rossier – jeu : Marie Druc, Valentin Rossier – New Helvetic Shakespeare Company – à La Manufacture des Abbesses.

© Carole Parodi

C’est une pièce de Fabrice Melquiot sur le désir, qui emmène jusqu’au trouble de la personnalité et de l’identité. Écrivain, parolier, metteur en scène et performer, l’auteur a publié une soixantaine de pièces et connaît bien le théâtre pour avoir participé à un certain nombre d’aventures artistiques.

C’est une histoire de rencontre, plutôt improbable au départ, un jeu d’approche, avec humour et provocation. Chacun a de la répartie, de la douceur. La rencontre se fera ou ne se fera pas, en principe on n’en meurt pas. On est au présent avec Pietr, vendeur d’encyclopédies, assis au café entre Michelet et Karl Marx, et Lisbeth vendeuse de bijoux passant par-là et qui se pose à 2m58 de lui. Après quelques arabesques dans les mots échangés, certains pas de côté et plusieurs pirouettes en dehors en dedans, balancés, assemblés et attitudes, ils font quelques petites incisions dans le passé, moderato cantabile. Ils se passionnent, se rencontrent, se désirent, s’éloignent, plaisantent, ironisent, se perdent.

© Carole Parodi

Deux micros parallèles leur seule scénographie, pour deux acteurs face au public et qui semblent avancer comme des chevaux au galop. Besoin de rien d’autre pour un texte si bien porté par l’un comme par l’autre (Marie Druc et Valentin Rossier). Ils donnent et se donnent en oubliant la course d’obstacles qui les attend. La rencontre avec le fils de Lisbeth de retour chez ses parents, Carol, âgé de cinq ans et qui ne parle pas, qui mord et qui arrache une phalange à Pietr, est déjà une belle pierre jetée dans le jardin. Le déni, les oublis, les discours parallèles, les apartés et remarques de basse intensité, dans ce tête-à-tête où l’un et l’autre se révèlent, rien qu’un peu, sont leur boîte à outils.

Le texte est tenu serré, confidentiellement donné, sauvagement offert et repris. C’est murmuré, chanté, inventé, répété. Elle est rieuse il ne l’est pas. Il est inquiet elle ne l’est pas, elle est décontractée il est tendu, il se réjouit elle est ailleurs. Ils sont ou espéraient être, présent, imparfait, futur peut-être. Les souvenirs volent au vent, on prend les raccourcis, on se rend présentable. Et soudain, on perd pied.

La fin déforme jusqu’aux visages, aux silhouettes, aux rires devenus jaunes, aux vrais-faux projets qui n’ont pas même existé. « Elle me fait peur je ne la reconnais pas » dit-il. Altération de la mémoire, de la perception et des affects. Elle se dédouble, il voit trouble. Il se dissocie elle s’enfuit. Il se retourne, elle est partie. « Ce soir, tout me semble étranger… » se raconte-t-il.

© Carole Parodi

Avec la compagnie New Helvetic Shakespeare Company qu’il dirige depuis 1995, Valentin Rossier a mis en scène de nombreux spectacles et joué dans la plupart – sur des textes d’Agota Kristof, Odon Von Horvath, Edward Albee, Bertolt Brecht, Marivaux, Friedrich Dürrenmatt, Anton Tchekhov et d’autres. Il a, par le passé, beaucoup fréquenté Shakespeare et récemment, en 2023, présenté La Collection de Harold Pinter dont il avait monté Célébration, en 2007 et Trahisons en 2021. Il a par ailleurs dirigé le Théâtre de l’Orangerie de Genève de 2012 à 2017, fondé et dirigé de 2019 à 2023 Scène Vagabonde Festival Genève et cette année, créé L’hiver de Caecilia Genève, qui sur les mois de janvier er février, encourage les reprises.

Valentin Rossier avait présenté en 2020 dans ce même théâtre de La Manufacture des Abbesses, Le Grand cahier d’Agota Kristof, qu’il interprétait seul en scène. Ils forment aujourd’hui avec Marie Druc, dans Lisbeth’s, un duo tendre et émouvant, en même temps qu’ironique et sarcastique. Leur remarquable concentration accompagnée d’une musique qui monte, petit à petit, porte un texte sensible et déraisonnable qui est à la fois et jusqu’aux non-dits plein de miel et chargé de fiel.

Brigitte Rémer, le 31 mars 2024

Avec : Marie Druc, Valentin Rossier – dramaturgie Hinde Kaddour – création lumière Jonas Bühler – création musique et son David Scrufari – administration Eva Kiraly.

Du 20 mars au 11 mai 2024, les mercredis, jeudis, vendredis, samedis à 19h – La Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron 75018 Paris – métro Abbesses ou Blanche – tél. : 01 42 33 42 03 – site : www.manufacturedesabbesses.com.

Pour un oui ou pour un non

© Manufacture des Abbesses

Texte de Nathalie Sarraute – mise en scène Tristan Le Doze – à la Manufacture des Abbesses.

H1 et H2 sont dans un bateau. H2 tombe à l’eau, qu’est-ce qui reste ? H1 ? Mais H1 tombe aussi à l’eau. Reste Nathalie Sarraute, l’auteure. En fait H1 et H2 ne sont pas dans un bateau et ne tombent pas à l’eau pourtant ils sombrent, l’un, puis l’autre, puis les deux, remettant en question leur amitié. Le déclencheur ? La susceptibilité de H2 qui, annonçant un de ses succès à H1, se serait entendu répondre d’une manière distraite… « C’est biiien…. ça ! » Pas la mer à boire et pourtant l’hypersensible H2, poète, pieds nus dans sa cuisine où se déroule l’action, ou juste à côté, met en marche son petit vélo à guidon chromé pour confirmer qu’il est incompris et qu’il doute désormais de leur amitié. Interloqué, H1 insiste pour entendre le réquisitoire, après que H2 eut longuement tourné autour du pot. Ébahi, car n’ayant rien vu venir, H1 finit par lâcher. Au bout du compte et après tergiversations en apparence bénignes, tous deux prennent acte de leur perte d’envie et de leur séparation, pour un oui ou pour un non.

Les acteurs, Gabriel Le Doze et Bernard Bollet s’appliquent à ce petit jeu de colin-maillard, plus absurde et loufoque que sinistre et cruel, légèrement déraisonnable et décalé. Physiquement les deux acteurs sont aussi aux antipodes, H1 bien mis de sa personne, un tantinet bureaucrate d’apparence. H2 un peu lunaire, plutôt poète. L’ensemble est aussi grisouille que leur relation qui se met les nerfs à vif pour tout ce qui n’est pas écrit, même si Sarraute offre un petit break dans leur huis-clos psychodramatique par la présence des voisins qui s’interloquent (Anne Plumet, Remy Jouvin).

Publiée en 1982, Pour un oui ou pour un non est la sixième pièce de Nathalie Sarraute et la plus représentée. Elle fut créée en 1986 par Simone Benmussa avec Sami Frey et Jean-Pierre Balmer qui jouaient alternativement H1 et H2. D’origine russe, Nathalie Sarraute (1900-1999) taille très tôt sa liberté à partir des données qui sont les siennes : la séparation de ses parents quand elle avait deux ans, ses allers retours entre l’URSS et la France pendant de nombreuses années, et quand son père s’installe en France la mésentente entre sa mère et sa belle-mère, qui la sépare de sa mère à plusieurs reprises. Elle étudie l’histoire à Oxford, la sociologie à Berlin, le droit à Paris, lit Dostoïevski, Joyce, Proust, Virginia Woolf. Elle publie son premier roman, Tropismes, chez Denoël en février 1939 puis Portrait d’un inconnu après la guerre, en 1948, Martereau en 1953, L’Ère du soupçon en 1956. On parle de Nouveau Roman de manière péjorative quand on évoque son œuvre – elle est femme parmi tant d’hommes écrivains ! – Robbe-Grillet et les éditions de Minuit gardent ce concept de Nouveau Roman pour nommer les recherches en écriture de l’époque. Nathalie Sarraute écrira et publiera une dizaine d’autres romans et des pièces. Claude Régy montera Isma, C’est beau et Elle est là et réalisera un film d’entretiens avec elle. Jacques Lassalle mettra en scène Silence et Elle est là pour l’ouverture du Vieux-Colombier.

La complicité des acteurs et la sobriété de la mise en scène de Tristan Le Doze – portée par la simplicité de la scénographie (Morgane) et des lumières (Christophe Grelié) – mettent en relief les non-dits de l’existence et le mal-être enfoui, avec une précision au scalpel. Cette joute verbale maitrisée et rythmée cultive la complexité de la relation et dans ce corps à corps, ou plutôt ce mot à mot, chacun sera perdant. « Quant au sujet, il est chaque fois ce qui s’appelle… rien » disait Nathalie Sarraute parlant de son oeuvre.

Brigitte Rémer, le 3 novembre 2019

Avec : Bernard Bollet, Gabriel Le Doze, Anne Plumet, Remy Jouvin – scénographie Morgane – lumières Christophe Grelié

Du 5 septembre au 23 novembre. Les jeudis, vendredis et samedis à 19h – Manufacture des Abbesses. 7 rue Véron. 75018. Paris – métro : Abbesses ou Blanche – tél. : 01 42 33 42 03. – site : www.manufacturedesabbesses.com

Le cycle Nathalie Sarraute se poursuit à la Manufacture des Abbesses. Après la présentation de : Elle est là, la saison dernière, repris tous les mercredis à 19h, le cycle a programmé cette saison une lecture-spectacle de : Enfance, puis celle du livre autobiographique de Nathalie Sarraute : Le Mensonge. Une lecture spectacle de Isma, ou ce qui s’appelle Rien, est programmée les 13 et 20 novembre 2019.

Asphalt jungle

© Ludovic Giraudon

D’après le texte de Sylvain Levey, Pour rire pour passer le temps – mise en scène Laurent Maindon.

Dans le prolongement de Fuck America qu’il présente à la Manufacture des Abbesses, le Rictus Théâtre poursuit ses traversées de la violence. Après le spectre de la guerre et de l’exil, il conduit le spectateur dans les bas-fonds de l’âme humaine à travers un huis clos qui devrait le pousser vers la sortie de secours, dès les premières secondes.

Asphalt jungle est comme une partie de roulette russe où un quatuor d’hommes faisant figure de monsieur toutlemonde, s’exerce à des actes gratuits de barbarie. Sorte d’incorruptibles cyniques, ils se partagent les rôles entre donneurs d’ordre et victimes. Et le manège de la bêtise, de la manipulation et de la cruauté tourne. La montée dramatique de cette école des bourreaux rappelle les expériences de Stanley Milgram dans ses recherches sur la soumission à l’autorité : jusqu’où accepter la négation de l’autre, sa destruction ?

Brutalité, perversité, délation, veulerie, servitude et complicité, l’homme à l’état brut ordonne la torture. L’autre est contraint de l’accepter avant de devenir à son tour l’exécuteur. On est ici dans un carré d’as où deux donnent ordre et deux exécutent, où chacun devient l’agresseur de l’autre avant d’en devenir la victime. A ce jeu de colin-maillard on ne sait ni qui est qui, ni ce qui se passe dans sa tête, qui en jouit qui se rebelle. La loi du plus fort l’emporte et tout est flou à l’extrême jusqu’à l’exécution finale, d’une froideur clinique.

Le texte de Sylvain Levey entraine le spectateur dans le fait divers, signe de la dérive des sociétés, et dans le passage à l’acte. Laurent Maindon propose une mise en scène dépouillée, au plus vif du sujet et investit dans la direction d’acteurs – un remarquable quatuor : Ghyslain Del Pino, Christophe Gravouil, Yann Josso, Nicolas Sansier. Le spectateur s’accroche aux espaces musicaux, sas de décompression apportés par la musique comme bouffées d’air nécessaires, après l’apnée. Au final il ne lui est pas facile de sortir du labyrinthe, ni même d’applaudir.

   Brigitte Rémer, le 10 septembre 2018

Création lumières Jean-Marc Pinault – création son Guillaume Bariou Jérémie Morizeau  – création costumes  Anne-Emmanuelle Pradier – construction décor Thierry et Jean-Marc Pinault – adaptation du texte Loic Auffret, Claudine Bonhommeau, Christophe Gravouil, Laurent Maindon.

Du 29 août au 13 octobre 2018, Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 – métro : Abbesses, Pigalle – Du mercredi au samedi à 19h. site : www.theatredurictus.fr

 

Fuck America

© L. Giraudon

Texte d’Edgar Hilsenrath, mise en scène Laurent Maindon – Théâtre du Rictus, à la Manufacture des Abbesses.

Écrivain juif allemand né en 1926, Edgar Hilsenrath a connu l’errance, sa famille s’étant vu refuser un visa d’entrée aux États-Unis par le consul général des États-Unis d’Amérique à Berlin. Les appels au secours de la famille Hilsenrath, comme ceux de tant d’autres familles, ne furent pas entendus. 10 novembre 1938 : « Les choses vont encore empirer. Le temps presse… » 12 juillet 1939 : « La guerre est aux portes. Je vois venir des choses horribles. Ayez pitié ! » Réponse d’une grande violence du consul général, quelque temps plus tard : « Des bâtards juifs comme vous, nous en avons déjà suffisamment en Amérique. Ils encombrent nos universités et se ruent sur les plus hautes fonctions sans plus se gêner. Renvoyez-moi les formulaires de demande et veuillez attendre treize ans. Il est inutile de m’importuner avec d’autres lettres… »

Les Hilsenrath partent en Roumanie où ils ont de la famille, ils sont déportés quelque temps plus tard dans un ghetto ukrainien, puis libérés par l’Armée rouge. Edgar fait alors l’expérience des kibboutz, en Palestine, et erre de ville en ville pendant deux ans, multipliant les petits boulots. En 1947, après avoir rejoint ses parents à Lyon, la lecture d’Arc de triomphe d’Erich-Maria Remarque, un livre sombre aux accents humanistes, le transforme. Il commence à écrire son roman, en France, puis à New York où il suit son frère, en 1951 et où la famille s’installe. En 1958, il obtient la nationalité américaine et termine Nuit, roman d’un réalisme cru. Au printemps 1971, Le Nazi et le barbier, dans la même veine provocatrice et impertinente, est un succès. Le statut d’Edgar Hilsenrath reste pourtant précaire, les petits boulots continuent, il est entre autres serveur dans un delicatessen et travaille au noir. Il rentre en Allemagne en 1978 et publie, non sans mal, compte tenu de la crudité de ses récits. Depuis, de nombreux prix littéraires lui ont été décernés.

Récit autobiographique, Fuck America débute avec la lecture par Jacob Bronsky des lettres de son père, Nathan, implorant des visas. Le texte théâtral se calque sur la vie de la famille Hilsenrath : Jacob Bronsky accuse l’Amérique de les avoir abandonnés aux mains des nazis : Fuck America ! lance-t-il. Il raconte sa vie déstructurée, quand enfin il pose le pied outre atlantique, coincé entre les petits boulots pour la survie, la faim, la solitude, le désir, et le roman qu’il se presse d’écrire et qui pour lui, a valeur d’exorcisme.

Un narrateur assis au premier rang des spectateurs et qui porte la voix intérieure de Jacob, raconte les nuits d’écriture sans sommeil dans les petits hôtels minables, les boulots qui s’enchaînent plus ou moins comme serveur, portier de nuit ou promeneur de chiens, les subterfuges qu’il apprend des autres pour se nourrir, la cafétéria où se réunissent les émigrés de la communauté juive, la tentation des putes. Il écrit son roman, chapitre après chapitre, qu’il intitule Le Branleur, justifié dans tous les sens du mot. Son écriture s’affiche sur grand écran. La dernière scène est le pastiche d’une thérapie où la psychologue l’oblige à énoncer ce qu’il a toujours refoulé : « Je n’ai pas fait d’études, et je n’avais rien appris de sérieux me permettant de gagner mon pain. Alors, à New York, j’ai accepté n’importe quel job que je pouvais trouver. Un jour, j’ai commencé à écrire. Et brusquement, j’étais guéri » lui dit-il.

Publié en 1980, aux États-Unis d’abord, puis en Allemagne et en France, l’écriture d’Edgar Hilsenrath est crue. L’auteur épluche les mots un à un et les évide à coeur, précis et provocateur, truculent. Il ose s’attaquer au tabou absolu de la shoah et à celui du sexe comme désir animal. De l’ironie, de la légèreté, des anecdotes, des envies, de la gravité et du grotesque forment l’ensemble de ce cocktail éto/déto/(n)nant où se côtoient effroi, tendresse et extravagance.

Dans une scénographie des plus sobres et sur grand écran s’inscrit le roman en gestation de Jakob Bronsky. Le texte est magnifiquement porté par cinq acteurs qui jouent la même partition avec un petit air de rien du tout, donnant puissance, humour et diversité à la palette : Nicolas Sansier est Jakob Bronsky. Laurence Huby, Ghyslain Del Pino, Christophe Gravouil, Yann Josso interprètent chacun plusieurs personnages et font vivre ensemble ce terrible moment de vérité entre chaos mondial et Amérique des années 50, histoire individuelle et histoire collective.

« Je suis tombé sous le charme de Fuck America alors même que je cherchais à travailler à l’adaptation d’un roman » dit Laurent Maindon, metteur en scène, passionné des écritures contemporaines. « L’univers du New York des années 50, l’exil de cet écrivain en devenir, l’humour et la profondeur de ce personnage, Jakob Bronsky, la liberté de ton d’Hilsenrath ont résonné avec mes interrogations actuelles de metteur en scène. » Avec son équipe il pose ici un regard oblique, explosif et radical, sur l’univers irrévérencieux d’Edgar Hilsenrath. Pari théâtral fort réussi.

 Brigitte Rémer, le 30 août 2018
 

Avec : Laurence Huby, Yann Josso, Nicolas Sansier, Ghyslain Del Pino, Christophe Gravouil – Création lumières Jean-Marc Pinault – création son Guillaume Bariou Jérémie Morizeau –  création vidéo David Beautru Dorothée Lorang Marc Tsypkine – création costumes   Anne-Emmanuelle Pradier – construction décor Thierry et Jean-Marc Pinault  – adaptation du texte Loic Auffret, Claudine Bonhommeau, Christophe Gravouil, Laurent Maindon.

Du 23 août au 14 octobre 2018 – Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 – métro : Abbesses, Pigalle – Du jeudi au samedi à 21h, dimanche à 17h. site : www.theatredurictus.fr